Manu Dibango, Comment il est devenu l'artiste le plus célèbre d'Afrique ?
Postée le 25-03-2020 / 436 Vues

Considéré à juste titre comme le père de la world music, Manu Dibango (avec son titre « Soul Makossa ») a ouvert la voie royale de la musique Africaine au monde. Et pourtant rien ne prédestinait ce titre au succès phénoménal qu’il a connu. Flash back.

En 1972, Manu Dibango sollicite le Ministre des Sports du Cameroun (pays organisateur de la 8ème édition de la coupe d’Afrique des nations). Avec le million à lui accordé, il enregistre un 45 tours et sur la face B, rajoute en complément une composition s’inspirant d’un rythme du mouvement makossa avec un arrangement soul, Le titre « Soul Makossa » vient de voir le jour.

Résultat Les Lions indomptables sont élim inés au premier tour, les supporters en colère cassent le single en signe de protestation, le projet subit un échec cuisant. Manu Dibango poursuit sa carrière et enregistre un album vendu à 50000 exemplaires en France sur lequel il fait néanmoins figurer le « petit » titre.
Quelques années plus tard, subjugué par l’afro beat et le funk Africain du grand Fela Kuti, des producteurs Américains se lancent à la quête de leurs origines Africaines en recherchant des musiques du vieux continent. Ils dévalisent le stock disponible en Europe. De toutes les compositions emportées outre atlantique, c’est « Soul Makossa » et son phrasé répété en boucle «Mama-koo Mama-sa Maku-Maku-sa », un titre auquel personne ne croyait pas même la maison de disque, qui s’érige en tube dans le cœur des promoteurs Afro-américains.

Résultat David Mancuso, célèbre DJ, créateur de soirées musicales à New York le passe en boucle dans ses soirées. Il est suivi par Frankie Crocker, animateur sur WBLS la station de radio noire new-yorkaise la plus populaire. La fièvre s’empare dès lors de la communauté Afro, Il n’en faut pas plus pour que les rares exemplaires de soul makossa disparaissent des surfaces. Atlantic Records, société d’édition de disques américaine signe sans attendre le prodige africain qui en peu de temps atteint la 35ème place du prestigieux Billboard Hot 100, le classement hebdomadaire des 100 chansons les plus populaires aux États-Unis. Une grande première pour un artiste d’Afrique. Les concerts s’enchaînent, Manu preste dans les plus illustres salles, rencontre les plus grands artistes du moment (Bob Marley, James Brown….) et rentre dans l’histoire.

Sa carrière est lancée, de nombreux projets sont sur la table pour l’avenir mais plus tard « Soul makossa » va encore barrer la une des grands tabloïds du monde.
En 1982, Michael Jackson lance le mythique « thriller » qui s’ouvre avec le titre « Wanna be Startin’ Somethin’ » où la star mondiale de la pop glisse une partie du morceau de Dibango… sans l’accord de l’intéressé et surtout sans le créditer sur la pochette. Le Camerounais l’apprend, presque par hasard, « Une amie qui travaillait à l’ONU, à New York, m’a envoyé une carte de vœux en ajoutant : bravo pour la collaboration avec Michael Jackson ». Honoré d’être repris par un des plus grands artistes du siècle, il est toutefois vexé de remarquer que la pop star gagne de l’argent en se prétendant auteur du morceau. « Thriller » s’est vendu à l’ époque à 45 millions d’exemplaires et est encore aujourd’hui l’album le plus vendu au monde, avec près de 104 millions d’exemplaires écoulés en vingt-cinq ans.

Le petit poucet Africain engage alors une procédure de titan contre le géant américain. « Ma maison de disques a baissé les bras. C’est moi qui ai tout payé, je suis sûr que si j’avais été Johnny ou Sardou, les choses auraient été différentes. » se souvient-il lorsqu’ il évoque cette bataille juridique. En 1986, le musicien trouve finalement un accord avec les représentants de Michael Jackson. Il est dédommagé à hauteur de un million de francs Français( 152.400 Euros soit près de 100 millions en fcfa) pour renoncer à ses droits sur « Wanna be Startin’ » Somethin’ mais en conservant, le contrôle sur les adaptations futures de « Soul Makossa » et les éventuels extraits utilisés. Un accord que pourtant Michael Jackson va de nouveau violer en autorisant Rihanna à reprendre des séquences de Soul Makossa pour son titre Please, Don’t Stop The Music qui rencontre un succès international en 2007.

Manu Dibango assigne les deux artistes en justice mais est débouté par un magistrat parisien le mardi 17 février 2009 qui trouve irrecevable la plainte en rappelant que Manu Dibango s’était alors désisté de son action lors d’une saisine l’année précédente en donnant  » acte à Universal Music de mentionner le nom de Manu Dibango sur la pochette des retirages ». Finalement la procédure se solde par un arrangement financier à l’amiable. Ces parenthèses pénibles n’ont toutefois pas eu de répercussions sur la vie de l’artiste qui a géré une brillante carrière forte de grosses collaborations avec de grands noms de la musique mondiale. Dick Rivers, Nino Ferrer entre autres.

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Né le 12 décembre 1933, Manu Dibango s’en est allé ce mardi le 24 mars 2020 à Paris dès suites du Covid-19 laissant à la postérité de nombreux tubes et des musiques qui nous berceront toutes les fois que nous regarderons les séries Kimbo ou Kirikou et les bêtes sauvages dont il est l’auteur des musiques.

                                                                                                   Franck Duval

 

Source : ABIDJANSHOW.COM
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