• C’est un certain François Youkoua qui a joué un rôle très déterminant dans ton apprentissage musical. Que lui dirais-tu aujourd’hui s’il était en face de toi ?
- C’est quelqu’un qui  m’a appris effectivement à jouer à la guitare. C’est lui qui m’a vraiment donné envie de jouer à cet instrument et de composer avec. Si j’étais en face de lui, je lui dirais que j’ai essayé de suivre le chemin qu’il a tracé. Je lui demanderais de m’apprendre une dernière technique. On ne finit jamais d’apprendre.
• Tu avais déjà 3 albums, 1 single, 1 Best Of. Et ton 4ème album est intitulé “Un jour Nouveau”. Que veux-tu dire ?
- «Un jour nouveau», c’est simplement ce jour que chacun de nous espère dans sa vie. Ce jour qui lui permet de repartir sur de bonnes bases. Ce jour qui lui permettra d’accéder au bonheur. Pour moi donc, Un jour nouveau, c’est un message d’espoir à tous les Ivoiriens, à tous les Africains qui sont épris de paix et de choses qui permettent d’avancer dans la vie…
• J’ai le sentiment qu’il y a eu une chose importante en toi qui s’est brisée ?
- Oui c’est vrai ! Un jour nouveau, ça peut être aussi… (il réfléchit). Et  c’est pour cela que je parle de nouveau départ dans la vie de quelqu’un. Un jour nouveau, ça peut aussi bien être le jour où quelqu’un sort de prison et sa vie recommence à zéro. Un jour nouveau, ça peut être aussi le jour où  quelqu’un gagne une forte somme au loto. Un jour nouveau peut être également le jour où on est touché par le saint esprit et la vie recommence à zéro. Il y a des gens qui ont eu un passé malsain et un jour, ils reviennent sur le droit chemin.
• Tu parles un peu de toi aussi ?
- Bien sûr, ça me concerne aussi. Ecoute, chacun de nous aspire à un jour nouveau dans sa vie…
• A l’écoute, c’est un album de maturité.
- On peut dire ça comme ça. Mais la maturité, tu sais, quand on a envie d’aller un peu plus loin dans ce qu’on recherche, dans son travail, on n’est pas sûr d’avoir atteint la maturité. C’est vrai que pour moi, c’est un album qui montre qu’un pas a été fait par rapport aux albums précédents. Dans ce sens que j’ai parcouru un peu le monde pour travailler sur ce disque. J’ai fait des prises à Abidjan, Paris, Bruxelles et je l’ai mixé aux Etats-Unis. Je suis revenu à Paris pour le masteuriser. J’ai même pu avoir des collaborations extérieures, avec des gens que je voulais avoir pour l’ouverture de ce projet sur l’extérieur. Des musiciens que j’aime beaucoup comme Pascal LokuaKanza et Cool Kor pour la touche américaine; sans oublier le Groupe Toubab Coq  qui est très connu à New York. C’est donc un album qui marque le début de la ligne d’avancement que je me suis donnée. Une ligne qui va me permettre d’évoluer tout en apprenant parce que je suis un apprenti musicien.
• On sent l’influence des chants d’esclaves à travers certaines mélodies.
- L’esclavage fait partie de notre histoire. Et moi, je m’inspire de tout cela, mais surtout de nos chansons traditionnelles qui viennent des villages les plus reculés du pays. Ce sont ces sonorités que je mets en musique en les ouvrant sur les collaborations extérieures. Ta remarque est judicieuse  parce qu’elle parle des souffrances vécues et observées. Mais il n’y a pas que ça, c’est un album qui parle aussi de joie...
• Oui, mais la façon de chanter… ?
- Oui, c’est de là qu’est parti le blues. Et moi, j’aime bien ça. J’ai beaucoup écouté et j’aime bien écouter les sages, les chansons et les musiques traditionnelles du pays. Je mets tout ça au goût de la musique et des sonorités actuelles. Je vais prendre les musiques traditionnelles de toutes les régions de Côte d’Ivoire...
• Pourquoi ne fais-tu pas de la musique de variété ?
- Mais la musique de variété vient de quelque part ! Tout ce que nous faisons existait déjà . Il n’y a aucune musique qui soit tombée comme ça. Nous essayons, chacun, de prendre des orientations différentes par rapport aux sonorités. Je suis donc très fier de mon orientation. Je crois que les gens comprennent cette démarche et aiment apparemment ce que je fais. Il y a la  musique traditionnelle dans ce que je fais et on ne peut l’occulter sous prétexte que je suis dans un look moderne ou que je m’exprime de façon moderne ! La tradition doit rencontrer le modernisme et vice versa. Et tout cela se retrouve dans ma musique.
• Les musiques urbaines que sont le Zouglou, le Couper-décaler ou l’Azonto, par exemple, ne sont pas ta tasse de thé ?
- Pourquoi pas ? Chaque chose à son temps. Cet Album «Un jour Nouveau», je le voulais différent. Tel qu’il est sorti. Je ne suis pas fermé à toutes ces musiques. Ce sont des choix que j’opère par rapport à un album donné. Ici, j’ai voulu un brassage de rythm and blues et de musique traditionnelle afro. Ce qui ne veut pas dire que dans 4 ou 5 ans, je ne ferai pas un album avec des sonorités autres que celles-là !
• Avec Yodé et Siro, par exemple ?
- Oui ! Y a pas de souci, je suis ouvert à toutes les musiques. De toutes les manières, si je dois poser ma voix sur du zouglou ou du couper-décaler, on saura forcément que c’est du François Kency. Récemment, au concert de Serge Kassy, à Paris, j’ai posé ma voix sur la chanson «Yétio» en duo avec lui. Je ne suis donc pas fermé aux autres musiques. Je suis Akan et j’ai posé ma voix sur du  Tohorou qui vient de l’ouest pour réaliser la chanson Dialoguons pour la paix avec le Vieux Bernard Gnapo pour notre contribution à l’effort de paix.
• Ça fait plaisir de voir ton album dans les bacs ici, à la FNAC et autres. Pourtant il brille par son absence en Afrique.
- Pour l’instant, c’est un choix parce que je suis producteur de cet album. Je me suis rendu compte que lorsqu’on sort un produit de cette dimension, il faut prendre le temps de le défendre. Le plan de sortie mis en place a commencé par la France, sorti chez X-Pol Musique, distribué à la FNAC en France et en Belgique. Ça s’étendra sur le Brésil et le Cameroun puis suivra la Côte d’Ivoire. C’est dans cette dynamique que nous sommes.
• Certains observateurs pensent qu’avec cet album, le bas peuple  ne se  sentira pas concerné ?
- Je ne suis pas de leur avis, parce que ce bas peuple me connaît et consomme déjà du François Kency. Il apprécie ma musique, parce qu’il aime la bonne musique. Il ne faut pas croire que la masse populaire ne fait que sauter et danser sur de la musique d’ambiance, du zouglou, du couper-décaler. La preuve « Un jour nouveau » n’est pas encore sorti en Côte d’Ivoire, mais les gens commencent déjà à en parler. Radio Nostalgie commence à le diffuser et d’autres radios vont suivre. Il y a deux clips de l’album : “Un jour nouveau”, “Village Blues” qui passent sur les chaînes de télé internationales. Grâce aussi aux radios de l’hexagone, les mélomanes du pays ont découvert le cru qu’ils apprécient très bien. Il ne faut pas penser que les Africains et les Ivoiriens n’aiment pas la bonne musique. Malgré toute ces musiques d’ambiance, les Ivoiriens apprécient la musique de Pascal LokuaKanza, SalifKéïta, Youssou N’Dour.
• Le pays te manque-t-il ?
- Ah, oui ! Le pays me manque. C’est normal, j’y ai ma famille, mes fans. J’ai commencé ma musique au pays et non en Europe. La Côte d’Ivoire, c’est ma base même si je suis beaucoup plus en Europe.
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Par Carino DE DIMIÂ Ă Paris