• Il n’y a pas si longtemps, l’on te disait très malade. Comment te portes-tu aujourd’hui ?
- Dieu merci, je me rétablis tout doucement mais je continue de me traiter et faire plus attention à moi.
J’ai beaucoup souffert d’anémie et des problèmes au niveau des membres inférieurs. J’avais des enflures aux pieds. Je peux dire qu’il y a une nette amélioration aujourd’hui.
• Ça a dû être une période très difficile pour toi avec les nouvelles alarmantes…
- Oui ! Il y a eu même des journaux qui ont titré que j’étais à l’article de la mort. Non, je n’ai pas été dans un coma. Je me dis qu’ils ont voulu peut-être rendre l’info plus sensationnelle.
Je souffrais et j e n’étais pas paralysé non plus. Je n’étais pas à mesure de bien utiliser mes membres. C’est tout.
• La manifestation de la maladie a été si brusque qu’on se demande si tu en souffrais depuis ?
- Il n’y a pas eu d’antécédent. C’est tout d’un coup que je me suis senti diminuer physiquement. Et les diagnostics ont formalisé un manque de sang. On m’a donc rajouté du sang par deux fois. Voilà  !
• Est-ce ton état de santé qui t’a contraint à une retraite anticipée au niveau d’Onuci FM ?
- J’ai anticipé de 4 ans ma retraite. Après avoir longuement réfléchi et me sentant un peu affaibli quand même, j’ai préféré m’arrêter, me traiter comme il se doit, prendre du recul pour mieux avancer.
Au lieu de prendre sans cesse des congés maladie. Je dépose un tant soit peu le micro pour prendre la plume ou toute autre chose mais en restant dans le domaine de la création.
J’ai monté TFM (Thomas François Makaya, NDLR) Vision, ma structure de communication et de production audiovisuelle. On a en cours un certain nombre de projets.
• Alors, comment se sent le jeune retraité après 30 ans de radio ?
- 30 après, on se sent un peu vieilli, un peu affaibli par la maladie. Puisqu’on était animé par une passion sans cesse renouvelée au départ.
On a touché à tout. J’ai été animateur de boîtes de nuit, présentateur de spectacles, animateur de meetings, producteur d’artistes, journaliste radio-télé…
On a embrassé un peu tout. A l’époque, effectivement, on se sentait dans la peau d’un jeune homme fringant et suffisamment outillé pour faire face à toutes ces sollicitations et à toutes les contraintes liées au métier.
Maintenant à 60 ans naissants, c’est un Makaya hautement initié par son expérience. J’avoue et j’ai vraiment beaucoup appris dans ce métier. Le métier m’a beaucoup apporté au plan relationnel mais pas au plan matériel (rires). J’ai assouvi ma passion, c’est ce qui m’importe le plus.
• Radio Côte d’Ivoire, Nostalgie Abidjan, Onuci Fm. Toute une vie consacrée à la radio. Pourquoi ce choix ?
- J’explique mon choix par la passion. Je suis venu là par vocation. J’ai choisi, j’ai aimé et je me suis senti dans la peau d’un homme de radio très tôt. Dès l’âge de 13 ans, je me disais que c’est la radio ou rien d’autre. Mais je fus un ancien bègue hein ! J’ai lutté contre le bégaiement.
Mes amis d’enfance se moquaient de moi : «tu veux faire de la radio alors que tu ne sais pas parler. Tu vas parler avec qui ? ». J’ai relevé le défi en prenant des cours de diction, en faisant du théâtre.
• Parti en France pour les études, tu choisis de venir t’installer à Abidjan. Y a-t-il une raison à ce choix ?
- J’étais amoureux. Mais je ne vais pas m’appesantir sur cet état de fait. Venu à Abidjan pour des raisons sentimentales dans un premier temps et pour le fait que la Côte d’Ivoire était un pays d’une assise réelle à l’époque.
C’était la stabilité aux couleurs d’Houphouët-Boigny. J’avais passé 13 ans en continue en France et il était temps que je retourne en Afrique.
• Travailler en France ne t’a pas intéressé?
J’ai travaillé en France. En 1981, l’espace audiovisuel n’était pas ouvert (aux africains) comme c’est le cas maintenant.
J’étais l’un des rares Africains à avoir fait un stage en 1981 à RFI. C’était à la veille de l’avènement de François Mitterrand comme président en France. Je n’étais pas certain que les socialistes, arrivant au pouvoir, allaient changer les choses et ouvrir les vannes dans l’audiovisuel. A l’époque, dans les années 70, on venait bousiller, casser les radios privées et de proximité en France.
C’était compliqué. Ou, on accédait à la radio d’état (France inter, Radio France) ou si on avait la chance, on allait sur des radios périphériques (Europe 1, RTL). Mais la porte n’était pas ouverte aux Africains. Je ne pouvais pas imaginer que l’avenir de l’audiovisuel en France allait changer.
Si j’avais su qu’il y aurait des perspectives heureuses, je serais restĂ© pour poursuivre ma carrière d’autant plus que j’avais fait un premier pas remarquĂ© Ă RFI. Il y avait une opportunitĂ© Abidjan, j’y suis descendu.  Â
• C’était quoi la raison sentimentale de ta venue à Abidjan ? Une épouse ? Une fiancée ?
Non, non, non ! C’était une connaissance. Ça a fait long feu hein. Donc, ce n’est pas la peine qu’on revienne là -dessus.
• Qu’est-ce qui t’a fait quitter Radio Côte d’Ivoire pour Nostalgie Abidjan ?
Je ne suis pas allé toute de suite à Nostalgie. J’ai marqué un break en 1994, 11 ans après mon arrivée à Radio Côte d’Ivoire. C’était pour des raisons indépendantes de ma volonté. J’étais contraint. Je suis entré à Radio Côte d’Ivoire avec un statut de collaborateur extérieur gagnant 78.000 CFA (avant dévaluation).
J’étais un jeune de 23 ans, célibataire et sans enfant. 11 ans plus tard, je me retrouve avec 2 enfants et je suis à 130 000 FCFA et on me propose mieux à ailleurs, à la mairie de Cocody chez Mel Théodore.
Je suis donc parti de Radio Côte d’Ivoire pour une raison pécuniaire. Je n’avais pas le choix mais c’était à contre cœur.
• «Un bonjour de légende», c’est ton autobiographie que tu sors bientôt. Une façon de ne pas laisser la place à la polémique quant à la «paternité» du fameux « Bonjour » ?
Je ne peux pas revendiquer la paternité du bonjour, un terme usité par tout le monde. Mais ce que je peux revendiquer, c’est de l’avoir imposé un tant soit peu aux auditeurs de radio Côte d’Ivoire et la manière qui allait avec. Bon, on trouvait cette manière un peu fantaisiste au départ mais elle a fini par devenir ma référence, ma marque de fabrique.
Il faut savoir qu’au départ, j’ai été la cible des détracteurs. Mais curieusement, qui on vite fait de se raviser.
Avec ce bonjour, il me faut évoquer avec le livre les souvenirs, des anecdotes, des faits inédits dans les coulisses même des médias. On y découvre le Thomas Makaya sous l’angle du journaliste politique et homme de média mais aussi sous l’angle artistique et culturel.
• Pourquoi ce livre maintenant ?
30 ans après avoir embrassé ce métier, j’ai senti comme un déclic. Bon, ça ne s’explique pas.
J’avoue que c’est après avoir pris ma retraite anticipée que des amis et des jeunes que je rencontrais me demandaient si je n’allais pas laisser un petit souvenir écrit, histoire de laisser à la jeune génération les grands moments de mon parcours. Pendant 6 mois, je me suis enfermé toutes les nuits sur ma tablette.
En écrivant, je me suis aperçu qu’il y avait un certain nombre de souvenirs qui valaient la peine d’être sus, d’être dits.
•Ton livre soulève un aspect de ta vie que très peu de gens connaissent. Tu as « flirté » avec le monde de la culture.
Ma venue à Radio Côte d’Ivoire et le Bonjour m’ont aussi permis de me faire connaître dans le milieu culturel et artistique.
J’ai découvert Alpha Blondy dans sa salopette au moment où il venait attendre RFK pour faire sa première chance.
Moi, je quittais le plateau après avoir animé ma première émission en 82 à la télévision. J’ai fréquenté Bailly Spinto. J’ai connu Ernesto Djédjé, Jimmy Hyacinthe. Je connais Luckson Padaud, Monique Séka, Diane Solo, Antoinette Allany…
• Est-ce là aussi tes préférences musicales ?
Je dirai oui parce que je suis de la vieille école. Je suis de la génération des chanteurs à voix et d’instrumentistes aguerris comme Jimmy Hyacinthe (Paix à son âme). La musique d’aujourd’hui est bien sûr urbaine.
Et c’est là je me rends compte que 30 années sont vraiment passées. On a tort de mettre vite de côté les valeurs d’antan. On laisse la place aux artistes inspirés à la sauce moderne mais dont le contenu des œuvres ne prend pas et ne m’intéresse guère. On vend pour se faire connaître.
On vend pour une célébrité hâtive et incontrôlée quelque fois qui fait la part bel à des scandales, à des sensationnalismes… Je dis non. La vieille école, c’était l’école de l’humilité, de la rigueur, du professionnalisme.
• Le livre sort quand ?
La sortie est programmée pour fin octobre mais je serai au salon international du livre d’Abidjan (5 au 9 novembre).
• Un Bonjour de légende, c’est aussi des anecdotes ?
Oui, je vous en donne quelques-unes pour Top Visages sur Miss Abidjan, ZikĂ© et Koffi OlomidĂ©...Â
•Ziké ?
J’ai amené Ziké à Ouagadougou au Burkina Faso pour la première fois à l’époque de Thomas Sankara. On est parti à l’idée de faire un spectacle à 1000 FCFA l’entrée, à la Maison du Peuple.
A Ouaga, on nous dit 300 FCFA, prix révolution à prendre ou à laisser. La patrie avant tout. Plus de 4000 spectateurs avec plein de vélos… On finit le show, on fait le décompte et on est en deçà  de nos prévisions. On est parti à Ouaga en avion mais on est revenu par le train.
• Koffi Olomidé ?
J’ai fait la connaissance de Koffi à travers ses disques. J’ai reçu un jour de son producteur 100 disques de l’album Tcha Tcho avec le titre Henriquet. Je les ai dédouanés moi-même de ma poche et je les ai distribués aux animateurs : EKF (Emile Konan Fréjus), Jacques Bilé…
Tous les soirs, on partait dans les points chauds pour imposer la rumba de Koffi Olomidé. Un jour, je croise Koffi Olomidé dans un avion, Air Afrique dans les années 85-86. On revenait de France. Je m’approche de lui et on sympathise en lui rappelant ce que j’avais fait pour lui.
Et je me suis plu à le présenter au personnel du bord. Le commandant de bord vient et fait la connaissance de Koffi. Il le prend par la main en m’ignorant et le déclasse en Première. Makaya a fait le voyage jusqu’à Abidjan sans champagne et en 2nde classe.
• Il y a eu Pamelo Mounka
C’est celui qui chante l’argent appelle l’argent. En 1987, c’est moi qui l’ai fait venir en Côte d’Ivoire pour la seule et unique fois. Il a fait le bal à l’actuel siège de l’ONUCI, l’hôtel Sebroko.
Après le concert, j’étais incapable de lui payer l’intégralité de son cachet. Il m’a appelé dans sa chambre : « Thomas, je te vois tourner. Dis-moi, il n’y a pas de problème. Tu sais, l’argent, c’est bien.
Mais l’amitié, c’est encore mieux. Tu m’as fait découvrir la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens me l’ont bien rendu. Je t’en remercie.».
Pour quelqu’un qui chante l’argent appelle l’argent, ces paroles me sont restées. En tout cas, il ne mettait pas l’argent devant son travail.
• On termine avec vos projets…
D’abord Le bonjour de légende, il faut que chacun s’en procure. J’ai un jeu interactif consacré au bon usage de l’Internet. Il s’appelle Bodiel. Il va être lancé incessamment. Je travaille là -dessus avec une agence de communication. La phase pilote se passera en Côte d’Ivoire.
Ensuite, il deviendra panafricain. J’ai aussi une émission télé. Une espèce de talk-show à la dimension si possible des standards internationaux comme Le grand journal de Canal +.
Alors, si je n’ai pas les moyens, je ne le fais pas. On travaille également sur un forum consacré à la diplomatie. La thématique : l’éco-diplomatie au cœur du développement.
Par Claude Kipré et Omar A. Kader