Tiken Jah Fakoly : Son dernier appel aux Africains
Postée le 22-10-2014 / 1375 Vues

• Tu es venu spécialement pour faire la promo de ton “Dernier appel” alors que tu ne l’avais pas fait pour le précédent ?


Très souvent, on donne la priorité à Universal Music qui est le producteur de l’album et qui gère ma carrière.


Quand African Revolution, l’avant dernier est sorti, j’ai entamé directement une longue tournée. Ce qui a fait que je n’avais pas eu le temps de venir faire sa promo à Abidjan. Cette fois-ci, j’ai tenu à être là parce que je veux marquer le coup avec cet album.


• Qu’est-ce que cet album-ci a de plus que les autres ?


La différence entre cet album et les autres, c’est qu’on a donné le pouvoir aux instruments traditionnels africains.  On a utilisé au moins 10 instruments africains.


• C’était déjà le cas dans African Revolution…


Oui, mais ce n’était pas autant d’inst ruments que maintenant. Dans les autres, c’était deux ou trois instruments. Mais cette fois-ci, c’est une dizaine : le ngoni, le balafon, la kora, le djembé, la guitare mandingue, le taman…



• Que recherches-tu en allant de plus en plus vers la «traditionalisation» de ton reggae ?


- Je pense qu’on ne fera pas le reggae mieux que les Jamaïcains. Les Bob Marley et autres Peter Tosh ont tout fait.


C’est d’ailleurs les Jamaïcains qui ont inventé le reggae. Maintenant, nous, nous pouvons apporter notre contribution à la vie du reggae.


On peut aussi prouver avec les instruments traditionnels que le reggae est parti d’Afrique avant de revenir par les Jamaïcains qui sont eux-mêmes venus d’Afrique.


• Pourquoi ce titre Dernier appel ?


C’est juste par rapport à l’urgence de l’appel. L’appel à l’unité des Africains. L’appel à l’union des pays africains. Parce que sans union, je ne pense pas que l’Afrique pourra avancer.


La Côte d’Ivoire aura beau se développer, elle ne sera jamais au niveau des Etats-Unis qui comptent 52 Etats. Si on arrive à faire tomber les barrières et à mettre ensemble les 54 pays africains, en superficie, on sera plus grand. En richesse du sous-sol, on sera très riche et par conséquent, on sera très, très fort.


C’est ce message-là que je voudrais faire passer dans Dernier appel. D’aucuns pensent que c’est utopique, que c’est irréalisable. Mais je dis qu’en toute chose, il faut d’abord planter la graine et après, il y a le fruit.


• Le titre a une connotation pessimiste. Si on ne répond pas à cet appel, c’est fini, tout est perdu ?


- C’est un titre qui choque beaucoup de personnes mais je pense que j’ai donné ce titre à l’album à cause de l’urgence. Il y a longtemps qu’on chante mais cette fois-ci, je dis que c’est urgent. Je ne crois pas qu’un pays africain puisse s’en sortir tout seul. Alors que l’Afrique unie gagnera tous les combats.


• As-tu le sentiment que ton message est entendu ?


- Oui, je pense que notre message est entendu. Nous avons contribué à libérer la parole en Afrique. Nous avons été les premiers à oser dire des choses qu’on n’entendait pas dans une musique.


Les pays africains sont dans un processus de démocratisation. Le réveil est en train de se faire doucement et nous y avons contribué. Quand je dis nous, c’est Alpha Blondy, Lucky Dube, Tangara speed Ghoda, Tiken Jah, Ismaël Isaac, Fadal Dey, Hamed Farras… qui ont contribué à libéraliser la parole.


• Tu sembles quand même avoir assoupli ta position…


Quand on évolue, on est gagné par la sagesse. Il y a les voyages et quand on fait le tour du monde, on ne peut plus avoir la même position que quand on était à Abobo, à Yopougon ou à Odienné.


C’est un peu normal. D’aucuns peuvent en déduire que je suis partisan ou quoi, je n’en sais rien, même si cela a toujours été dit. Quand les autorités actuelles étaient dans l’opposition, on me taxait déjà d’être avec elles.


Aujourd’hui, les gens ne vont pas changer ce qu’ils disaient. Ce qui est le plus important pour moi, c’est ma vision des choses, c’est ma conviction, c’est de garder mon indépendance vis-à-vis des hommes et de Dieu.


• Tiken a participé au dernier gala de la Première Dame Dominique Ouattara. Quelques années en arrière, tu l’aurais fait ?


- Mais cinq ans en arrière, il y a des gens qui l’ont fait et dit. Ça a choqué. Je pense que c’est une conviction.


C’est tout. Moi qui ne vis pas en Côte d’Ivoire et qui vois comment les choses avancent au pays, je pense que le Président actuel mérite un second mandat. On ne peut pas se taire et assister.


Si ça se passe autrement, on va reculer. Il faut booster pour que ça continue. A partir de 2020, la Côte d’Ivoire écrira une autre histoire. Même s’il y a des problèmes politiques, ces problèmes politiques trouveront des solutions politiques. En tant que leader d’opinion, je me dois de dire ce que je souhaite pour mon pays. C’est un choix.


• Tu penses que la réconciliation avance en Côte d’Ivoire?


- J’ai été à l’œuvre. C’est un processus, il faut continuer. La réconciliation existait au temps de Gbagbo, où il y avait même un ministère de la Réconciliation. Avec Guéi, c’était la réconciliation. Il y a la réconciliation au Togo, au Bénin, au Mali… L’essentiel est de continuer.


• Des artistes sont toujours à l’étranger...


- On a tout fait pour qu’ils reviennent au pays.


J’ai rencontré tout le monde : Gadji Céli, Serges Kassy… J’ai eu Paul Madys au téléphone. C’est comme quand j’étais au Mali, si quelqu’un venait me dire de revenir en Côte d’Ivoire, c’est que la personne a joué son rôle. C’est ce que nous avons fait.


On ne peut pas obliger quelqu’un à rentrer dans son pays. Quand on lui fait des propositions, la personne évoque sa sécurité. Des fois même, on se porte garant mais rien n’y fit.


• Selon toi, la Côte d’Ivoire est-elle en paix ?


- Il y a bien entendu des problèmes, mais il y a aussi une certaine stabilité qu’il faut encourager. Maintenant, il y a des problèmes politiques auxquels, il faut trouver des solutions politiques.


• S’il y a la stabilité en Côte d’Ivoire comme tu le dis, pourquoi vis-tu toujours à Bamako ?


- Tout simplement parce que je suis un panafricaniste. Mon exil a pris fin en 2007 et depuis, la porte de la Côte d’Ivoire m’est grandement ouverte. Donc, je peux venir quand je veux, vivre ici où j’ai un pied à terre.


J’ai fait le choix de rester au Mali, parce que c’est un pays que j’ai connu quand il était tranquille. J’ai un peu honte de plier bagages pour partir au moment où le Mali a des problèmes.


• Tu maintiens ta proposition selon laquelle les états occidentaux doivent ouvrir leurs frontières ?


Oui, il faut ouvrir les frontières.


• Si c’est fait, tu ne verras plus aucun jeune chez toi à Gbéléban…


- (Rires). Les Européens doivent ouvrir les frontières mais en même temps, je ne veux pas encourager les jeunes africains à partir parce notre place, c’est ici. Imaginons, si tous nos ancêtres étaient partis en Occident, on serait encore aujourd’hui des esclaves, la colonisation allait encore exister.


Ils sont restés ici et ils ont combattu, ils nous ont donné l’indépendance. Aujourd’hui, j’ai la possibilité d’aller vivre en France et puis dire bye bye à l’Afrique. Mais j’ai décidé de rester en Afrique, d’investir en Afrique car je sais que l’avenir, c’est ici.

Source : Topvisages.net
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