Son rêve d’enfant était de devenir homme politique. Plusieurs années plus tard, Ediémou Blin Jacob s’est consacré entièrement à Dieu.
C’était en 1978, au Christianisme Céleste, une église africaine fondée à Porto Novo par le prophète nigérian Samuel Oschoffa.
Avant d’être au service de Dieu, Ediémou Jacob a eu son parcours de profane.
Président de la jeunesse de Grand- Bassam, footballeur gardien de but à l’USCB, secrétaire administratif d’association du PDCI de Bassam, contrôleur des PTT, attaché de cabinet du ministre Séri Gnoléba, membre du comité exécutif du PDCI.
Mais, comme un iceberg, cet homme a eu une face visible et une autre invisible.
Sous ses airs d’homme sociable, actif et travailleur, il appartenait secrètement à un cercle de sorciers qui écumait la région du Sud- Ouest.
Sa vie a basculé lorsqu’il a refusé d’offrir en sacrifice une de se s sœurs pour les fêtes de fin d’année…
Une expérience qui a marqué l’actuel président du forum des confessions religieuses de Côte d’Ivoire et qui lui a permis de rencontrer Samuel Oschoffa en personne à Porto Novo (Bénin).
«Je voulais le tester, il m’a terrassé en m’enlevant tous les pouvoirs de sorcier que j’avais… Il m’a remis une chemise blanche et m’a adopté comme son fils».
Dans cet entretien, il fait des révélations de choc sur Mamie Watta, le christianisme céleste, son compagnon de route Zagadou Akéblé Louis ou encore ses relations avec les femmes.
• Vous avez eu un bon parcours, que s’est-il passé pour qu’on vous retrouve «les pieds nus» si je peux m’exprimer ainsi ?
- C’est une longue histoire, mais j’essaierai d’être bref. On a suivi le diable pour pouvoir être fort. J’avais les pouvoirs pour atteindre mon but de devenir  homme politique.
 J’étais un petit sorcier et au moment où je pensais être bien,  il y a eu un hic avec mon cercle d’appartenance. Mes amis voulaient que je fasse à mon tour un sacrifice.
Ils ont exigé sur une de mes petites sœurs, Bernadette. Elle vit encore d’ailleurs. Je leur ai dit que ce n’était pas possible en leur proposant quelqu’un d’autre, mais ils ont refusé en me disant «comme tu refuses, on va la prendre d’abord et ensuite ce sera ton tour».
Donc c’était calé pour le 31 décembre 1975. Je ne devais plus vivre si je refusais de laisser ma sœur partir. Je les ai défiés jusqu’à ce que je rencontre l’église du christianisme céleste au Togo lors d’un voyage avec le ministre Séri Gnoleba.  C’était tout juste à la sortie  d’une messe à l’église catholique…
• Vous étiez sorcier et chrétien ?
- Enfant de chœur puis sacristain, j’étais aussi dans la sorcellerie. On savait l’existence de Dieu, mais on avait besoin de protection car nous n’avions aucune puissance.
Vous savez, les gens prient JĂ©sus, mais ils font autre chose en dessous hein.
Chaque année, on faisait le culte à Tanoeh. Il fallait respecter la coutume. Donc on sort de l’église et je vois une petite place non loin avec la croix du Christ.
Je rentre et je tombe sur une femme qui me fait une vision. Elle me révèle que je suis mort mais grâce à Dieu, j’aurai longue vie. C’est ainsi que va démarrer mon histoire avec le christianisme céleste.
• …
- Sorcier enchanteur je l’étais…je ne le nie pas. Mais c’est fini. Sinon, tous les sorciers de Bassam, Moossou, Azuretti, Impérial, nous connaissaient et nous gérions tout ce monde. Quand il y avait l’Abissa, par exemple, le seul élément qui était nu sur la place publique, c’était Ediémou. Tu t’es moqué de moi, tu es mort après. On a fait des bêtises. Il y a des gens qui nous louaient pour obtenir un divorce d’avec leur femme. Donc, je vais séduire la femme et quand j’ai rendez-vous avec elle, j’appelle le mari.
Flagrant délit, il a son divorce et nous, notre argent. Ma venue à l’église m’a fait beaucoup de bien. Je cherche le royaume des cieux désormais.
• Quand on parle des chrétiens célestes, on voit des croyants qui ne portent pas de chaussures…
- Il est dit dans la Bible que le Sinaï est le saint temple. Dieu a dit à Moïse avant de lui remettre les dix commandements : «Déchausse toi, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre est sainte». Exode 3:5
Ce n’est pas forcément au Sinaï qu’on doit adorer Dieu, ni à Jérusalem. Dieu est esprit, il va où il veut et il est dans tous les lieux où on l’appelle selon la grâce.
Pour l’adorer, il faut se prosterner, avoir une tenue sacerdotale et la chaussure doit être enlevée avant de porter la soutane. Il y a des gens qui sont consacrés à vie, ils sont de manière permanente en soutane car ils doivent tout le temps prier, or pour prier, il faut se déchausser. Et les musulmans nous donnent un signal fort. Quel que soit l’endroit où ils sont, ils se déchaussent pour prier.
• Mais en ville, au bureau ou en shopping, il y a des célestes qui ne portent pas de chaussures…
- C’est une erreur. Pour aller au travail, avoir certaines activités, on s’habille normalement. Alors, pourquoi se déchausser quand on porte une tenue de ville ? On ne peut pas travailler pieds nus au travail parce qu’on est céleste. On ne peut pas aller travailler non plus en soutane. C’est de la mesquinerie, de la plaisanterie. Ou on est consacré ou on ne l’est pas. Evitons les abus. Les gens ne connaissent pas l’église et veulent faire croire le contraire.
Tu vas au travail bien habillé. Tu es à l’église, tu te déchausses. Tu portes ta soutane, tu te déchausses avant.
• Pourquoi aimez-vous autant la mer, vous les chrétiens célestes?
-  Non, ce ne sont pas les célestes, c’est Ediémou qui aime la mer. Israël s’est baptisé dans la mer en forçant le passage. La mer purifie, la mer a ses pouvoirs. C’est une force miraculeuse, positive, pour nous qui croyons en Christ. Et pour ceux qui croient en autre chose beh…
Il y a une dualité en tout sur cette terre, il faut juste savoir choisir son camp. Moi, j’ai choisi le camp de Jésus.
• Mamie Watta…
- Elle existe, elle a un nom : la grande Babylone. Nous la connaissons, et très bien. Elle n’aime que les jolies choses. A Bassam, on s’est familiarisé avec elle.
• Vous vous êtes familiarisés ?
- Oui, je suis le seul homme que Mamie Watta a aimé et qui l’a quittée sans mourir.
Quand elle te lâche, quand tu la quittes, elle te tue. Jésus n’a pas  permis cela dans mon cas, il m’a protégé.
• On connait les épouses de certains hommes de Dieu, mais vous…
- Oschoffa disait que si Adam avait su parler à sa femme, le péché n’aurait pas existé.
Le démon prend une femme, Eve, pour faire son plan. Dieu prend aussi une femme, Marie, pour exécuter son plan. Alors à qui le discernement pour savoir que la femme qui te parle vient de Dieu ou du démon ? Satan passe par trois choses : l’argent, la femme et l’onction pour dévier le peuple.
Le christianisme céleste est une religion révélée par Jésus à Oschoffa. Ce n’est pas une secte ou encore du paganisme. Personne ne doit toucher ma tête. Oschoffa l’a fait mais aucun de ceux qui sont venus après. Pour conduire mes frères et sœurs, je dois être dans certaines dispositions. Jusqu’à ce que l’Eglise soit unie, je ne prendrai pas de femme. J’ai 70 ans, mon âge est avancé, mais je prendrai une sœur pour m’accompagner, le moment venu.
• Les chrétiens célestes peuvent avoir plusieurs femmes pourtant…
-  Dieu a dit à Adam et Eve, multipliez-vous. Est-ce qu’il a dit à quelqu’un de ne pas chercher femme ? On dit bien souvent Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Abraham avait trois femmes, Isaac une seule, Jacob quatre femmes. Seul Jésus ne s’est jamais marié.
Pierre était bien marié, il a été le premier pape. Paul n’a pas été marié. On dit Pierre et Paul, alors, on fait comment ?
Le sexe, c’est sur la terre ici. Au ciel ça n’existe pas. Si tu prends une seconde femme, il faut lui donner ce dont elle a besoin toujours avant de prendre une autre. Il faut être juste, équitable avec les femmes. Si tu ne peux pas, tu n’en prends pas une autre.
• Vous avez des enfants…
- Ils sont trois, mais c’est Samuel, le dernier que j’ai eu dans l’Eglise. Il a 27 ans. La première et la seule fois qu’on est allé ensemble, la mère de mon fils est tombée enceinte.
Mais après cela, je ne l’ai plus touchée. La pilule est passée difficilement, mais la mission était primordiale. Aujourd’hui, tout ça, c’est terminé.
• Ils sont célestes ?
- Samuel, Stanislas, Gabriel (plus connu sous le prénom Stéphane) disent que j’ai fait mon temps et que je dois les laisser tranquille. Ils sont libres, je ne leur fais aucune pression. J’essaie de respecter leur liberté.
• Avez-vous le temps d’avoir des loisirs ?
- Oui, c’est parce que les temps sont durs, sinon j’allais à la Salsa tous les vendredis pour écouter et danser. Je rêve d’ailleurs de faire un tour à Cuba à la Havane, au bord de la mer, marcher pieds nus et faire quelques pas. Je suis un bon danseur de salsa hein ;
• Quel genre de musique ?
- La variété. Bailly Spinto, Ernesto Djédjé, Alpha Blondy. J’ai beaucoup aimé aussi Monique Seka et les Woyas.
• Il vous arrive de chanter sous la douche ?
- Oui, tous les jours, je me fais plaisir hein avec ma voix (rires).
• La plus grande vertu pour vous ?
- Aimer son prochain comme soi- mĂŞme.
• De quoi vivez-vous ?
- J’ai renoncé à mon travail pour Dieu. J’avais tous les avantages, mais j’y ai renoncé. Je vis des vraies offrandes de Dieu. Il y a des fonds qui me viennent aussi de mes amis et connaissances. J’avais des problèmes d’yeux, je me suis fait opérer ici à deux reprises. Finalement, c’est le Président de la République Alassane Ouattara qui m’a envoyé en France. Toutes les fois où j’ai eu des difficultés, Dieu a toujours mis sa main. Je suis heureux.
• Que faites-vous de votre argent ? De la dîme que vous percevez ?
- J’aime beaucoup partager, aider les autres qui sont dans le besoin.
• Regardez-vous souvent la télé et quoi exactement ?
- Je ne regarde plus la télé à cause de mon problème d’yeux. J’écoute la radio.
• La dernière fois que vous  avez-vous pleuré à chaudes larmes ?
-  Je ne pleure jamais…
• Un pincement au cœur ?
- Oui, aux obsèques de mon frère Zagadou. J’ai même dit ce que j’avais à dire en direct parce que  certaines personnes ont voulu jouer aux zinzins, vendre des illusions.
 Lui et moi, on a connu Oschoffa qui nous a confié l’église céleste de Côte d’Ivoire en nous demandant de rester unis. Nous avons vécu des choses symboliques. Malgré les différends, on ne pouvait que se rapprocher. Les deux frères du prophète à Imebko, même père même mère sont divisés au Nigeria a deux pasteurs mondiaux. Le petit frère a défié le grand frère pasteur mondial et s’est autoproclamé lui aussi pasteur mondial. Ici en Côte d’Ivoire, Zagadou et moi, on a évité le pire. Mais les gens n’ont pas compris.
• Comment ça ?
- Vous savez, ils ont poussé mon frère à me combattre, mais, trois ans avant de mourir, il  est venu vers moi pour dire «on a fait erreur». Et il a essayé à mes côtés de réunir l’Eglise du christianisme céleste. Il est parti, il a été trahi à son tour, mais j’aurais aimé qu’on ait un peu de respect pour lui.  C’est grave quand on dit à un mourant, tu me donnes ta soutane, je vais prendre ton grade ou ceci cela. Il faut demander pardon pour les erreurs au lieu de se fâcher, de médire.Bref. Dieu a montré comment nous sommes.
Par Stéphie Joyce