Sur les plateaux ivoiriens, l’art du débat s’efface devant la jouissance bruyante de l’ego et de la vanité. La parole, au lieu d’élever, est devenue une arme de destruction discursive.

C’est de polemos, qui signifie « guerre » en grec, qu’est tiré le mot polémiste. La polémique est une guerre d’idées, civilisée, féconde, permettant aux vérités divergentes de se heurter sans se détruire.

Que voit-on aujourd’hui sur les plateaux de la RTI, de NCI ou de Life Talk ? Un théâtre de vanités, peuplé non de penseurs, mais d’égos en quête d’attention. On se pr� �sente, on cite ses diplômes, rappelle sa formation académique. Ce qui est le rôle du présentateur. La polémique s’est vidée de sa substance. Elle n’est plus qu’un vacarme narcissique, où nos invités parlent pour dominer, jamais pour comprendre.

Le vrai drame, c’est que ce niveau d’inanité est devenu la norme. A deux mois de la présidentielle. Être polémiste, chez nous, semble désormais se résumer à « dire n’importe quoi sur tout ». Pourvu que cela fasse du bruit. Non pas pour éclairer, mais pour exister. Et faire exister ce qu’on pense. Il ne s’agit plus d’argumenter, mais de rabaisser (Vous au Rhdp… vous Les Gor… vous les Thiamistes).

On ne veut pas débattre, on veut défaire. Cherche pas l’enrichissement. On cherche à faire taire quand l’autre à la parole. On l’appelle par son surnom de coulisse ou de maquis. Les chroniqueurs désignent un Président d’institution, un ministre par son prénom. Sans pudeur, ni tenue, ni éducation.

Et pourtant, la parole télévisée engage. Être invité sur un plateau n’est pas un privilège d’exhibition.

Mais c’est un exercice de responsabilité civique.

C’est un espace de socialisation intellectuelle, où le citoyen, en regardant, apprend à vivre ensemble par la confrontation raisonnée des idées. Ce que l’on donne à voir, ce que l’on donne à entendre, structure et construit notre démocratie ivoirienne.

Mais où est la démocratie, quand les débatteurs ne doutent jamais ? Quand leurs opinions souvent récoltées au siège du Ppa-CI, à la Rue Lepic, à Cocody en face des tours Ste Marie… se substituent à la vérité ? Quand plus ils s’avancent dans l’ignorance, plus ils s’enorgueillissent de certitudes ? Car oui le vrai savoir, lui, doute. Le savoir questionne, il tend l’oreille, il s’expose à l’altérité, à la critique.

Mais le téléspectateur ivoirien ne s’y trompe pas. Il n’a peut-être pas les mots, mais il ressent : on lui ment. On lui dit des sornettes. C’est lui qui vote. Ce qu’il voit n’est pas un débat, mais un ring, où des gladiateurs d’opinion s’étripent dans l’arène médiatique. L’objectif n’est plus la vérité mais la victoire — et peu importe les moyens.

Ainsi, la contradiction, qui pourrait être féconde, se mue en opposition stérile. Le dialogue est tué dans l’œuf par l’agressivité. Pourtant

On n’est pas obligé d’être l’ennemi de son adversaire politique.

On peut contester sans condamner, affronter sans humilier.

Les chroniqueurs sur nos chaînes ne sont pas les substituts des partis politiques. Mais ils arrivent calibrés, ils viennent dire ce qu’on leur a dit de dire. Pourtant ils ne sont ni ministres, ni députés opposants. Justes médiateurs. Ils devraient rappeler que le combat politique appartient aux responsables politiques. Et non à ceux qui leur servent de porte-voix désordonnés. Leurs plateaux doivent être des lieux d’intelligence, pas de pugilat. Ils sont des spécialistes et ne raisonnent, mais résonnent. Au point que les commentateurs malgré leurs bonnes volontés, sont assez souvent rabroués, souffrent d’irrespect.

Ce qui est insupportable, enfin, c’est cette manie de juger une parole à l’aune de celui qui la prononce, non de ce qu’elle dit. On ne réfute pas une idée, on soupçonne une intention. (ça ce sont les gars du Rhdp, toi tu es Pdci on sait, toi tu es un Ppa-Ci déguisé…) . Ne discute pas une proposition, on attaque une personne. Lire la suite sur https://pouvoirs-magazine.com/2025/07/23/debats-politiques-en-cote-divoire-un-vrai-plateau-de-vacarme/